28 déc. 2011

[Chronique] Skyzoid - 10 Best Albums of 2011


Après une année si riche sur le plan de l'actu, que retenir des disques qui ont marqué ces douzes derniers mois ?
Ce classement se veut subjectif et n'a aucune prétention exhaustive. Il comporte juste la promesse d'un grand bonheur auditif.

#10 Jeremiah Jae Rappayamatantra
Un bref coup d’œil à la couverture de Rappayamatantra et l’on comprend vite que Jeremiah Jae n’est pas tout à fait sain d’esprit. Le nom de l’EP n’a rien pour arranger la chose. Ce huit titres, qui se rapproche plus d’un mini LP, traverse les époques avec psychédélisme et démence. Un père qui vénère Mile Davis et une mère qui chante l’évangile : les influences qui façonnent le Hip Hop de Jeremiah sont pléthores. Celui qui s’est fait adoubé par Flying Lotus, possède des touches de Bob James et un semblant de RZA mais il ne serait pas sérieux de lui coller une étiquette. Le monde de J.J n’a pas de frontières.

Vous pouvez écouter le produit sobre, vous ne le serez plus une fois la première écoute achevée.





#9 Spree Nelson - The Never Ending Now



Il chante, occasionnellement rappe, souvent joue de la guitare, et écrit ses propres textes. Le tout, sans logiciel superflu ou Auto-Tune. Lui, c’est Spree Wilson, et il nous a offert gracieusement, à la mi-avril, l’une des plus belles promesses d’avenir. Sans doute l’heure pour lui, de se faire connaître et reconnaître.
Le présent de quatorze chansons se consomme dans une ambiance légère et attachante. Le chant est fluide, le timbre cristallin, le rap n’est pas naturel mais c’est sans doute ce qui fait toute sa beauté.  L’accent nous vient lui d’Atlanta, et dévore « Love You Better » avec une envie communicative. « Everything I Own » est une de ces ballades entrainantes qu’on redemande alors que « Don’t Pass Me By » est d’une délicatesse apaisante.
Un ensemble surprenant et captivant !




#8 Common - The Dreamer/The Believer



La sortie tardive de l’album de Common n’est pas un prétexte pour l’oublier. N’en déplaisent à certains, l’année calendaire est bien composée de douze mois (RIP la nomination des Grammy Awards). Et si l’album ne peut s’adonner à un certain recul, les premières écoutes se montrent sans équivoque : The Dreamer/The Believer est un très bon cru.
Rarement décevant, Common ne déroge pas à sa ligne de conduite. Le natif de Chicago se présente comme un randonneur humble qui apprécie la route qui le mène jusqu’au commet. Comme à son habitude, il développe une grande affinité pour les pauses jazz et les boucles soul, comme sur « Cloth ». Cependant, le nouveau Common s’avère plus glamour et plus festif qu’à l’accoutumé, comme en témoigne le très bon « Celebrate ».
Partagé entre le rêveur et le croyant, Common réalise sans doute la meilleure synthèse de sa carrière. 



#7 M83 Hurry Up, We are dreaming



« Carry on… Carry on…  », crie Anthony Gonzalez pour la chanson d’ouverture de l’album, en compagnie de Zola Jesus. Cette introduction témoigne de l’épopée fantastique qui traverse ce disque. Nous vous présentions M83 en juillet dernier à l’occasion d’un ‘Song of the Week’. Trois mois plus tard, Hurry Up, We’re Dreaming fait une entrée remarquée en France mais aussi outre-Atlantique. La critique est unanime et les talk-shows s’enchainent. En cette fin d’année, M83 truste le haut des classements récapitulatif des douze derniers mois, aux Etats-Unis comme dans l’hexagone.
Désormais seul cerveau derrière l’électro atmosphérique du groupe après le départ de Nicolas Fromageau pour Team Ghost, Anthony Gonzalez fait exploser des sonorités épiques et pop tout au long des vingt-deux pistes. « Midnight City » en est l’hymne imparable et incontestable. Installé à Los Angeles depuis quelques temps, le destin hollywoodien de M83 est en marche.
Grandiloquent et enivrant !




#6 Wu Lyf - Go tell fire to the Moutain

Le jeune groupe de Manchester a fait une rentrée fracassante et inouïe sur la scène internationale. World Unite Lucifer Youth Foundation n’est pas signé sur une grosse major et n’inonde pas la toile de spam comme le fond généralement les rookies. Alors qu’ils remplissent les salles de concert, les néophytes mancuniens ne donnent que très peu d’interviews et restent très mystérieux. Les rares morceaux postés su le web, envoutants et terrifiants, sèment le trouble et nourrissent l’attention.
Alors, lorsque Go Tell Fire To The Mountain apparait, c’est l’orgie ! L’album est encensé autant qu’il ne dérange. C’est dire. « Nous avons joué lourdement, chaque nuit, jusqu’à ce que nos voix brisées atteignent la note juste », raconte un membre du groupe. Enregistrées, semble-t-il, dans une église, les mélodies sont construites d’orgues et de guitares. Les chants qui accompagnent sont possédées. Wu Lyf scande des paroles souvent incompréhensibles. La musique saisit l’oreille et capture l’âme. « Heavy Pop », d’une délicatesse fragile, est hurlée d’une voix désespérée et habitée par la lourdeur du monde. L’album est un véritable volcan rock en éruption où jaillissent les flammes de l’enfer, les idées noires et les pluies acides.
Un talent énigmatique. Une insouciance incroyable. Prodigieux.



#5 James Blake - James Blake


Les deux premiers EP de James Blake, CMYK et Klavierwerke, expérimentaux à souhait, ne laissaient présager un tel triomphe. Aujourd’hui, le londonien de 22 ans attire les louanges. Il a même tapé dans l’œil de Kanye West, toujours avide de rencontres musicales inattendues. Un succès que le britannique doit à un album magnifique et surprenant.
James Blake questionne les styles musicaux autant que sa propre expérience. Son œuvre éponyme oscille entre dubstep fantasmatique et pop introvertie. Il revisite « Limit To Your Love » de Feist de façon limpide et nous propose une ode délicieuse avec « Wilhelms Scream ». Dans ses titres, le vide joue un rôle omniprésent, les silences parlent. L’observation de l’autre, la contemplation du monde contemporain et de sa solitude urbaine sont autant de thèmes abordés, d’une voix placide et irréelle.
Cet album, aussi sombre soit-il, brille de tout l’éclat de son auteur.



#4 The Weeknd - House of Balloons



The Weeknd est assurément l’un des rookies de l’année les plus talentueux. Déjà présenté sur le blog, par l’intermédiaire de deux « Song of the Week », l’originaire de Toronto a illuminé la scène R&B au début du printemps. Un LP somptueux, répondant au nom de House of Balloons a fait chavirer plus d’un cœur. Une voix des plus aigües, des complaintes à rallonge, une cover originale, quelques clichés et The Weeknd installe son univers pour longtemps.
Sa notoriété a encore grimpé lorsque le canadien a reçu le soutien d’un compatriote de choix, en la personne de Drake. Ce dernier l’a d’ailleurs invité à poser sur deux titres de Take Care, un album qui n’en demeure pas moins insipide. « High For This » et « The Morning » s’imposent comme les deux titres les plus aboutis du premier essai de The Weeknd. La voix est angélique et douce, souvent troublante, toujours envoutante.
La musique de The Weeknd ne ressemble à aucune autre. Et dans une époque de standardisation et de mimétisme culturels, c’est un grand compliment.




#3 The Throne - Watch the Throne


The Throne, la doublette formée de Kanye West est Jay-Z, fait preuve de la plus grande luxuriance. À l’heure d’une disparité croissante des revenues et d’un marasme économique inquiétant, les deux compères discutent d’abondance, d’opulence et de magnificence, le tout dans une enveloppe d’or, dessinée par Ricardo Tisci. Légèrement anachronique. Mais il ne faut pas perdre de vue que nous avons affaire à deux fins connaisseurs de leur domaine, qui ont bien compris que le rap comme évasion est aussi important que le rap comme réalité.
Aussi, après une première lecture aveuglante de l’album, la gloire, la paternité, la race sont autant de thèmes qui nous amènent à réfléchir. « New Day » nous annonce la naissance d’une nouvelle ère pour les deux acolytes. La cohabitation est fructueuse : Jay-Z dans le rôle du sage, Kanye naturellement fougueux. « Otis » revisite Redding dans un titre triomphant et marquant. Jay’ et ‘Ye sont heureux et cela s’entend. Le plaisir est communicatif. Le duo façonne son royaume, qu’importe la personne présente sur le trône. L’entente est si bonne que Hova a récemment annoncé qu’un deuxième tome pourrait voir le jour dès l’année prochaine. L’empire n’a pas de limites.
Après avoir fait exploser Facebook avec le titre H.A.M, battu des records de ventes sur iTunes, The Throne a entamé une tournée épique il y a près de deux mois, sillonnant l’Amérique du nord.  Et dans un rituel devenu célèbre, le couple conclut son show par le titre « Niggas in Paris ». La particularité ? Ils le chantent au minimum à cinq reprises. Record en date : onze récidives. That sh*t cray !





#2 Bon Iver - Bon Iver
 
Trois ans se sont écoulés, et beaucoup de choses ont changées. En 2008, sous le nom de Bon Iver (mauvaise traduction du français), Justin Vernon publie For Emma, Forever Ago, un album folk d’une douceur réconfortante. Mais aujourd’hui les temps ont changés. Les états d’âmes amoureux sont révolus. « On m’a tellement parlé de rupture que je voulais cette fois arriver avec un disque qui n’aurait strictement aucune légende. Je ne peux pas me faire plaquer tous les quatre ans non plus », plaisante-t-il gentiment. Les dix chansons de l’album, simplement intitulé Bon Iver, retranscrivent les mois qui ont suivi For Emma et presque toutes portent le nom d’un lieu précis.
« Perth », le morceau qui ouvre le bal, nous plonge dans une atmosphère subtile et lumineuse qui ne quitte pas l’auditeur jusqu’à la dernière note. En plus de ses compagnons de route habituels, Vernon s’entoure d’une section de cordes et du saxophoniste officiel d’Arcade Fire, Colin Stetson. « Calgary » s’avère sublime, « Come Talk To Me » se révèle mirifique. L’ensemble caresse l’ouïe avec volupté. L’écriture est soignée, les mélodies sont limpides et planantes. Bon Iver intrigue par sa délicatesse et sa complexité.
Un voyage passionnant, dévorant. Une œuvre flamboyante. Rien de tel pour passer l’Iver au chaud.

 

#1 Frank Ocean - Nostalgia, Ultra


On croyait le R&B mort, disparu… Les pseudo-chanteurs s’orientent les uns après les autres vers la pop autotunée… Et puis, Frank Ocean  débarque, seul au monde. Son ascension est si fulgurante qu’il est invité a posé sur Watch The Throne.
Pourtant signé chez Def Jam, Lonnny Breaux se dirige vers une destinée commune avec sa pléiade de titres R&B de très bonne facture mais que personne n’écoute. En début d’année, il y a l’explosion de ce groupe détonnant qui répond au nom alambiqué d’Odd Future Wolf Gang Kill Them All. Lonny Breaux laisse place à Frank Ocean et joue la touche smooth d’OFWGKTA. Il bénéficie du buzz d’Odd Future et de l’aura de son leader déjanté Tyler, The Creator. Mais surtout, Frank Ocean se dévoile avec Nostalgia, Ultra, une tape qui tombe du ciel, à la fin du mois de février. Une BM orange sortie des eighties garée dans un bois décor la cover. Pas franchement emballant et plutôt énigmatique. En réalité complètement nostalgique.
Les curieux qui appuieront sur la touche play ne le regretteront pas. L’écoute est une divine surprise. Entre les bruits de K7, Frank Ocean couvre des samples de Coldplay (« Strawberry Swing), The Eagles (« American Wedding ») ou Mr Hudson (« There Will Be Tears ») avec une nonchalance merveilleuse. Le natif de New Orleans séduit avec sa voix complaignante, sa créativité débordante et ses textes équivoques. « Novacane » et « Swim Good » se détachent comme deux des titres phares d’un ensemble rafraîchissant et fascinant. Au fil des écoutes, Frank Ocean se révèle ambivalent. Il est un de ces loveurs incertains qui veut écouter son cœur mais ne peut oublier totalement son phallus. À 24 ans, il est ni tout à fait mature, ni vraiment sérieux.
Frank Ocean n’a pas fini de grandir. Son talent non plus.


Skyzoid.

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